Le Temps - 09.2019

Les diplômes à la poubelle ?

Longtemps, l’obtention d’un diplôme à l’issue des études était le meilleur passeport pour accéder à un emploi. Plus le diplôme était prestigieux, plus le diplômé pouvait prétendre à une fonction élevée, garantie d’un niveau de vie enviable. Cette logique est toujours à la base de l’évaluation d’une fonction dans certaines institutions ou le service public, par exemple. Dans ce contexte en effet, un cadre n’est pas rémunéré selon ses compétences et ses succès dans les fonctions occupées, mais en fonction d’un diplôme qu’il a obtenu il y a 5, 10, 20 ou 25 ans.

En conséquence, un cadre moyen titulaire d’un Master est toujours mieux payé aujourd’hui qu’un cadre brillant titulaire d’un Bachelor, même si ce dernier a accumulé plusieurs CAS (Certificate of Advanced Studies) dans le cadre de sa formation continue. Nous ne rémunérons donc pas les gens par rapport à ce qu’ils font, mais par rapport au niveau d’études qu’ils ont atteint un jour, plus ou moins lointain. Cherchez l’erreur !

Heureusement, dans le secteur privé, les compétences sont privilégiées aux diplômes, car la validation de connaissances théoriques, liées à des métiers souvent définis tels qu’ils étaient exercés il y a plusieurs dizaines d’années, ne fait pas le poids face à des aptitudes qui permettront de faire face aux défis actuels. Comme le dit Grégoire Evéquoz dans son dernier ouvrage La carrière professionnelle 4.0 (Ed Slatkine) « il n’est plus utile aujourd’hui de gérer des stocks de savoirs, mais des flux qui évoluent sans cesse », dans un contexte où nous travaillerons de plus en plus longtemps après notre formation initiale et où les métiers de demain n’existent pas encore.

Une jeune fille qui nait aujourd’hui en Suisse deviendra centenaire et devra peut-être travailler 50 ans après sa formation de base, l’enjeu est donc clairement de maintenir continuellement à jour ses connaissances. Actuellement, quand nous recrutons des cadres supérieurs, nous ne nous basons pas sur des diplômes mais sur des expériences métiers, et ce que nous mesurons systématiquement ce sont les « soft skills » ou compétences comportementales. Elles sont plus importantes et plus pérennes que les compétences techniques, notamment celles qui favorisent un développement, un potentiel d’évolution.

L’évaluation de centaines de cadres recrutés ou promus nous donne une vision assez claire de ces compétences nécessaires à chaque fonction d’encadrement. Il s’agit en premier lieu de la connaissance de soi, de ses forces et de ses limites, de ses valeurs et du sens que nous recherchons afin d’aligner nos fonctions à nos aspirations. De la capacité ensuite à être flexible, agile, et de s’adapter à des situations qui changent, souvent rapidement.

Savoir prendre du recul, se préserver et garder une certaine distance avec les choses, se positionner au bon horizon-temps, permettra de rester serein dans les situations difficiles et de voir ce que les autres ne verront pas. Le sens critique constructif, la saine remise en question, la recherche de feed-back permettront de progresser sur de solides acquis. Enfin, la capacité à apprendre encore et toujours, à savoir où trouver l’information et le savoir pertinent garantira votre durabilité. Je rajouterais encore l’humilité, qui n’est pas vraiment une compétence, en rappelant qu’être un leader n’est pas un statut, mais un rôle que vous donnent ceux dont vous avez la charge.