Le Temps - 28.08.2015

De la formation des administrateurs

Signe de temps plus difficiles, d’enjeux plus cruciaux et d’environnements plus complexes, les Conseils d’administration se professionnalisent, en particulier ceux des PME qui ont accumulé un certain retard en la matière. En effet, dans les entreprises familiales de petite taille, le patron fondateur ou successeur gérait autrefois seul ses affaires et les réunions du Conseil d’administration se résumaient trop souvent au procès-verbal d’une séance virtuelle rédigée à l’avance par sa fiduciaire…

De nos jours, on plaisante de moins en moins avec cet organe chargé notamment de l’élaboration et de la validation de la vision et de la stratégie ainsi que du contrôle des risques et du bon fonctionnement de l’entreprise. Du reste, les administrateurs qui commettent des manquements dans la gestion, même par négligence, s’exposent à des poursuites judiciaires dont les conséquences peuvent être lourdes, le code des obligations instituant une responsabilité solidaire illimitée (art. 752 à 761 CO). On recommande aux entrepreneurs de constituer principalement leurs Conseils d’administration en allant chercher les compétences qui leurs seront utiles pour réaliser la stratégie, et de veiller à la complémentarité des personnalités et des représentations afin de créer une équipe aussi harmonieuse que performante. Ces compétences-clé sont souvent disponibles pour un coût limité, la rémunération médiane d’un administrateur en Suisse étant de moins de 25'000.- par année selon une étude récente du Swiss Board Institute, pour une personne qui peut agir au nom de l’entreprise. Ils doivent être capables de travailler à un horizon-temps assez lointain, de conseiller sans opérer, de challenger sans imposer, de contrôler tout en instaurant un climat de confiance et de cumuler un certain niveau d’expertise dans une fonction clé, tout en ayant une bonne connaissance générale de la gestion d’entreprise. Ils doivent aussi savoir tisser des réseaux informels pour avoir une bonne connaissance des principaux acteurs et du fonctionnement réel de l’entreprise, afin de pouvoir s’affranchir du filtre pas toujours objectif du dirigeant (éviter « l’effet sablier », c’est à dire un seul point de contact entre le CA et le Directeur général). Ces administrateurs indépendants sont aussi particulièrement précieux dans le cas d’entreprises familiales qui passent d’une génération à l’autre. Ils permettent d’émettre des avis ou des critiques que les membres de la famille peuvent difficilement exprimer et passer des messages entre la génération montante et la génération sortante en s’affranchissant des biais affectifs ou émotionnels. Vous l’avez compris, on ne s’improvise pas administrateur mais on le devient, souvent après une propre expérience d’entrepreneur.

Cette professionnalisation des administrateurs a généré de nouveaux services, comme des cabinets spécialisés dans leur recrutement et des instituts qui se chargent de leur formation (Swiss Board School, Académie des administrateurs, Ateliers académiques pour administrateurs, pour ne citer qu’eux). Ces formations de haut niveau les sensibilisent aux nouvelles exigences en matière de bonne gouvernance, aux exigences légales, aux enjeux stratégiques, au contrôle financier, à la gestion de crises et à la gestion RH des dirigeants, puisqu’ils ont aussi la responsabilité de leur recrutement, ce qui pèsera évidemment lourd dans le succès futur de l’entreprise.